Il n’y a pourtant pas que ça dans la vie… de Pierre Merle (Les éditions de Paris/ Max Chaleil, 2015, 9 euros, 88 p.)
Alors bonne lecture…
« Mon père est devenu une femme », lit-on incrédule sur les devantures d’un kiosque. « Nous aimons choisir avec qui on s’envoie en l’air » affirment deux vieux coincés sur une affiche de 3 mètre sur 4, au calembour sexuel ; « ça va être énorme » nous prévient la bande-annonce d’un film grand public, aux dialogues vraiment énormes…
Manchettes de journaux, campagne de cinéma, pubs en tous genres, bouquins, actualités, sommes-nous entrés durablement dans la société de racolage ?
On le constate avec la pigallisation des espaces culturels et urbains : la sexualité, le voyeurisme comme la vulgarité marchandes s’exhibent plus que jamais, à l’encontre de l’érotisme, du désir ou simplement du respect humain.
Dans son essai Il n’y a pourtant pas que ça dans la vie… Pierre Merle enquête sur la généralisation de l’exhibitionnisme, sous des prétextes sociétaux, de droit des minorités sexuelles, d’interventions militantes ou artistiques à poil et de tous poils, rendant ainsi l’exception la règle, la transgression le principe, la pornographie la norme.
Scénario indigent d’un film lambda ? Scènes de cul avec des dialogues vulgos hors de propos feront l’affaire. Comment remporter l’Eurovision de la chanson ? En réinventant la femme à barbe, qui est un homme bien sûr. Non aux forces réactionnaires ? Montrons nos nibards devant les caméras (en attendant, messieurs, de montrer vos bigoudis). Abolissons la prostitution (mot d4ordre aussi vraisemblable que zéro mort sur les routes) ? Poursuivons les prostituées – ou bien leurs clients -, mais foutons la paix aux proxénètes, aux Eros Centers et aux sites spécialisés,
Société de racolage permanent dans la rue, les journaux, la télévision ou sur l’internet, nous nous habituons aux appels au sexe bas de gamme, comme de la pollution, de la violence médiatisée, des soldats ou des caméras à chaque coin de rue. Mais la sexualisation à outrance engendre un puritanisme politique à l’instar des manifestations contre le mariage pour tous (et non pas le bienvenu mariage pour personne !).
L’intégrisme des mœurs ou du langage sont de retour. Interdit d’invectiver sans prendre des précautions oratoires, allant jusqu’à des concours d’insultes soft : « fesses d’huitres » ou « espèces de Pokémon » ne choqueront que les ostréiculteurs ou les amateurs de mangas. La morale est sauve ! Exit le sale pédé (remplacés par l’avantageux pédophile) et autres empapaoutés (« péteur d’emmerdomètre »).
Quelqu’un avait fait la remarque que dans pu-ri-tain il y a putain (pardon, technicienne de bitume). Remarquons aussi que dans p-ut-ain, il y a pain. On ne va pas empêcher le monde de le gagner, au prix de la radicalisation des extrêmes. Libertés aux libertins, purins aux puri-tai-ns, ou bien l’inverse. Chaque Klan trouvera son pain dans cette société de racolage, son parti pris et son parti politique pour, à force de basculer dans la facilité, aboutir au fascisme.
Armel Louis
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Après son roman Les Bals où Bruno Testa nous racontait la vie travailleuse et sexuelle du prolétariat des années 70 dans le Forez, l’auteur nous convie avec ses Lettres de mon Moulin-Rouge à un Montmartre à la fois contemporain, populaire et pittoresque qu’il a connu au cours des années 90 au contact de figures locales, mais aussi mythique et artistique à travers les grands créateurs ou chanteurs ayant fait la gloire nationale et internationale de la Butte.
Alternant chapitres personnel et historique, Bruno Testa nous livre dans ses chroniques romanesques un narrateur à la recherche d’un improbable roman dont le héros se pause la problématique de se lever ou pas, au grand désespoir de sa compagne, la bien-nommée Marie-Ange. L’occasion de rencontrer des figures lucides ou alcoolisées livrant leurs pensées ou leurs peurs à notre narrateur, que ce soit le barbier, le baroudeur, le pochard.Ces personnages modernes sont les alter ego à leur manière des héros d’un Montmartre élargi jusqu’à Pigalle et Place de Clichy, chansonnier ou chanteuse comme Bruant et Fréhel, écrivain comme Mac Orlan, Céline ou Henry Miller, cinéaste comme Carné, Renoir ou Duvivier.
Dédié à Claude Duneton, ce livre plein d’humour et d’amour, à la langue pleine de trouvailles, redonne vie à un Montmartre en perpétuelle transformation, chargé de sa cargaison d’histoire et d’humanité.
En liaison avec Lettres à mon Moulin-Rouge, parcourez Montmartre, les lieux de légende d’Olivier Renault (Parigramme, 19.90 euros), guide pratique illustré pour découvrir rue par rue, ateliers cachés et cafés historiques, ainsi que Montmartre Village de Sylvain Agorges (Parigramme, 14 euros) qui nous relate « le charme préservé d’un des derniers villages de Paris ».
Enfin, Jacques Lambert nous détaille avec son remarquable De Montparnasse à Montmartre, la vraie vie de bohème (1900-1939) (Paris-Max Chaleil, 20 euros) la légende réelle des artistes et des écrivains de cette époque.
Armel Louis
http://www.lelitteraire.com/?p=31662
article sur le livre droit du cochon